Acétate de cyprotérone (Androcur®) et génériques : Risque de méningiome lors d’une utilisation prolongée.

Depuis 2009, l’acétate de cyprotérone fait l’objet d’une surveillance particulière suite au signal émis par la France au niveau européen sur le risque d’apparition de méningiome. L’évaluation de ce signal par l’Agence européenne des médicaments (EMA) a conduit à faire figurer ce risque dans la notice du médicament en 2011. Pour préciser la relation entre la prise du médicament et le risque de méningiome, l’Assurance maladie a mené une étude pharmaco-épidémiologique. Les résultats de cette étude suggèrent que le risque de méningiome est multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses sur une longue période (plus de 6 mois) et par 20 après 5 années de traitement. Au regard de ces nouvelles données disponibles, l’ANSM a donc décidé de créer un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) qui a pour objectif de discuter des conditions d’utilisation et de prescription de ces médicaments afin de limiter ce risque. Réuni pour la première fois en juin 2018, le CSST a proposé que des recommandations soient élaborées avec les professionnels de santé. L’ANSM rappelle d’ores et déjà que la présence ou un antécédent de méningiome est une contre-indication à l’utilisation de ce médicament et que l’apparition en cours de traitement doit conduire à son arrêt.

Contexte

L’acétate de cyprotérone est un dérivé de la progestérone ayant des propriétés anti-androgéniques. Les indications dépendent du dosage de cyprotérone.

  • Les comprimés à 50 mg sont indiqués chez la femme, dans le traitement de certaines maladies hormonales se manifestant par une augmentation du système pileux (hirsutisme). Chez l’homme, ce médicament est préconisé dans certaines formes de cancer de la prostate.
  • Les comprimés à 100 mg ont des indications dans le traitement de paraphilie en association avec une prise en charge psychothérapeutique.

Le méningiome est une tumeur, le plus souvent bénigne, qui se développe à partir des membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière (les méninges).

Le risque de méningiome était déjà connu et mentionné dans la notice du médicament depuis 2011 suite à un signal européen lancé par la France en 2009[1] .

Ainsi, le Résumé des Caractéristiques des Produits (RCP) et la notice ont été modifiés pour ajouter :

  • une contre-indication en cas d’« existence ou antécédents de méningiomes »
  • une mise en garde précisant que « des cas de méningiomes (simples et multiples) ont été rapportés en cas d’utilisation prolongée (plusieurs années) d’androcur à des doses de 25 mg et plus par jour. Si un méningiome est diagnostiqué chez un patient traité par androcur 50 mg, le traitement devra être arrêté »
  • une mention dans la liste des effets indésirables indiquant que « des cas de méningiomes (simples et multiples) ont été rapportés en cas d’utilisation prolongée (plusieurs années) d’androcur à des doses de 25 mg et plus par jour ».

Les données de la littérature scientifique montrent que les méningiomes liés à la prise de cyprotérone régressent, pour la plupart, à l’arrêt du traitement[2] [3] .

Résultats de l’étude de l’Assurance maladie

Pour préciser en vie réelle la relation entre la prise du médicament, notamment la dose et la durée de traitement, et l’apparition de méningiome, une étude a été menée par l’Assurance maladie en coopération avec le service de neurochirurgie de l’hôpital Lariboisière. Cette étude a été réalisée sur 250 000 femmes exposées au cyprotérone, en comparant celles qui ont reçu de fortes doses (plus de 3g sur 6 mois, soit au moins 3 boites, puis poursuite du traitement) à celles faiblement exposée (moins de 3g sur 6 mois, soit une ou deux boites, puis arrêt du traitement). La survenue d’un méningiome chez ces femmes a donc été surveillée pendant 7 ans.

Les résultats complets seront disponibles ultérieurement.

Les résultats indiquent que l’exposition à l’acétate de cyprotérone à forte dose expose à un risque de méningiome – pris en charge en neurochirurgie – multiplié par 7 par rapport au groupe de femmes faiblement exposées et qui ont arrêté le traitement.

Il existe par ailleurs une forte relation entre la dose et l’effet, le risque étant multiplié par plus de 20 au-delà d’une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg/j ou 10 ans de traitement à 25 mg/j (lorsque le traitement est pris 20 jours par mois).

Actions de l’ANSM

Compte tenu de ces nouvelles données qui indiquent que le risque de méningiome augmente en fonction de la durée d’utilisation et de la posologie, l’ANSM a réuni le 13 juin 2018 un comité d’experts indépendants (CSST), composé d’endocrinologues, endocrinologue-pédiatres, gynécologues, neurochirurgiens et dermatologues.

Dans ce cadre, l’ANSM mobilise les sociétés savantes afin d’établir des recommandations d’utilisation de l’acétate de cyprotérone ainsi que des mesures d’encadrement du risque.

Les recommandations seront discutées lors d’une prochaine réunion du CSST.

Pour toute question, les patients sont invités à se rapprocher de leur médecin ou de leur pharmacien. Ils ne doivent en aucun cas arrêter leur traitement sans l’avis d’un médecin.

Lire aussi

[1] Froelich, S. et al. Does cyproterone acetate promote multiple meningiomas? Endocrine abstracts  16, P158 (2008)
[2] Bernat, A. L. et al. Growth stabilization and regression of meningiomas after discontinuation of cyproterone acetate: a case series of 12 patients. Acta Neurochirurgica 157, 1741–1746 (2015).
[3] Botella, C., Coll, G., Lemaire, J.-J. & Irthum, B. Méningiomes intracrâniens et utilisation prolongée d’acétate de cyprotérone à dose conventionnelle chez la femme : à propos de deux cas de régression tumorale après arrêt du traitement. Neurochirurgie 61, 339–342 (2015).