Usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de Covid-19 : point de situation jusqu’à mi-septembre 2020.

structure d’expertise publique en épidémiologie des produits de santé

Mise à jour des points d’information publiés les 12 juin   4 mai  et 21 avril  2020

Le groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE constitué par l’Ansm et la Cnam publie les résultats d’une étude de pharmaco-épidémiologie portant sur la dispensation sur ordonnance en pharmacie d’officine de médicaments remboursés pendant le confinement et jusqu’en septembre 2020.

Réalisée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), cette étude a pour objectif de caractériser les comportements de consommation de la population vis-à-vis des médicaments prescrits en ville, qu’ils soient en lien ou non avec la Covid-19, dans le contexte particulier de l’épidémie de Covid-19 et du confinement. En se basant sur l’analyse de 725 millions d’ordonnances, elle compare, pour 58 classes thérapeutiques, le nombre de personnes ayant eu une délivrance de médicaments remboursés en pharmacie chaque semaine depuis mars 2020 au nombre “attendu” estimé sur la base de la même période en 2018 et 2019.

La consommation de médicaments en ville a été profondément perturbée par l’épidémie de COVID-19. Mais les résultats montrent qu’il n’y a pas eu de problème notable d’accès aux traitement des pathologies chroniques déjà prises en charge, grâce notamment à la téléconsultation et à la possibilité d’utiliser d’anciennes ordonnances pour la délivrance des médicaments. Sur ces 6 derniers mois, plusieurs exceptions sont toutefois à prendre en compte : les statines (-300 000 traitements) et les anticoagulants (-230 000 traitements), probablement en lien avec le report de nombreuses interventions chirurgicales nécessitant ce type de traitement, ainsi que des  médicaments utilisés pour le traitement de pathologies lourdes et graves, comme la ciclosporine (-7 200 traitements),  l’érythropoïétine (-20 000) ou le tramadol (‑210 000).

Par ailleurs, les résultats indiquent qu’après la forte baisse de l’instauration de traitements pour de nouveaux patients pendant le confinement, et malgré une reprise en post-confinement, un déficit global des instaurations est observé sur l’ensemble de la période de mars à septembre  (-10% pour les statines , -12% pour le furosémide, -14% pour les antiagrégants plaquettaires, -15% pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et -18% pour les anticoagulants). La baisse de l’instauration de l’insuline (-2%) et des antihypertenseurs en général (-4%) est cependant moins marquée.

De plus, la très forte diminution de la délivrance de produits nécessitant une administration par un professionnel de santé, déjà rapportée pendant et à la sortie du confinement, s’est poursuivie jusqu’en septembre . Cette baisse concerne notamment les vaccins : vaccins penta/hexavalents des nourrissons (-40 000 doses), vaccins anti-HPV (-150 000 doses), ROR (‑130 000 doses) et vaccins antitétaniques (-620 000 doses). L’effondrement des délivrances de produits destinés aux actes diagnostiques médicaux observé pendant le confinement a été suivi par un retour progressif vers la normale pendant l’été mais le retard par rapport à 2019 n’a pas été rattrapé, que ce soit pour les coloscopies (-250 000), les IRM (-280 000), ou les scanners (-500 000). La diminution de ces actes, indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves, conduit à des retards conséquents de prise en charge des patients. On observe également une baisse importante des délivrances d’anti VEGF (-75 000 doses) utilisés en injections intraoculaires pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou de l’œdème maculaire diabétique, ainsi que des dispositifs intra-utérins avec progestatifs (-14 000).

En outre, on dénombre près de 4 millions de délivrances en moins d’antibiotiques par rapport à 2019, bien que la situation se soit normalisée progressivement après le confinement. On observe également un effondrement des délivrances d’AINS (-7,2 millions), des IPP (souvent associés aux AINS ; -2,8 millions), des corticoïdes (-3,6 millions) et du paracétamol (-1,4 millions), qui peuvent s’expliquer par la moindre circulation d’autres agents infectieux du fait des gestes barrières.

A l’inverse, une utilisation plus importante de certaines classes thérapeutiques, déjà observée en fin de confinement, s’est poursuivie durant les mois qui ont suivi, en particulier les hypnotiques  (+ 480 000 traitements) et les anxiolytiques  (+1,1 million de traitements). Comme plusieurs enquêtes le soulignent, le confinement et ses conséquences sociales, professionnelles et économiques ont pu engendrer des troubles du sommeil et de l’anxiété. Les antidépresseurs ne sont pas concernés par cette hausse à l’issue immédiate de la période de confinement.

La surveillance réalisée par EPI-PHARE sera poursuivie jusqu’au retour à une situation normalisée. Les données seront régulièrement mises à jour et publiées sur les sites de l’Ansm, de la Cnam et d’EPI-PHARE.