Circulation des nitazènes, nouveaux opioïdes de synthèse et risque pour les usagers

L’Association française des centres d’Addictovigilance (www.addictovigilance.fr) alerte sur l’émergence récente, en France métropolitaine comme ultramarine, de composés de la famille des nitazènes (par exemple isotonitazène ou protonitazène), Nouveaux Opioïdes de Synthèse à risque élevé d’overdose potentiellement grave.

Ces composés, synthétisés dès la fin des années 50 comme antalgiques, ont été rapidement abandonnés en raison d’un rapport bénéfice/risque trop défavorable pour un usage thérapeutique. Ils réapparaissent sur le marché des substances récréatives en 2019-2020, par exemple aux Etats-Unis, au Canada ou encore en Europe, accompagnés de conséquences cliniques graves : toxidrome opioïde sévère avec mise en jeu du pronostic vital et décès. Leur puissance pharmacologique – environ 500 fois la puissance analgésique de la morphine pour l’isotonitazène – rend peu prévisible l’intensité des effets ressentis, même si les usagers rapportent de faibles quantités consommées. Ces nitazènes peuvent se retrouver parfois de façon clandestine dans divers produits, notamment poudres et médicaments contrefaits, seuls ou associés à d’autres molécules y compris de l’héroïne. Certains font l’objet d’un suivi par les instances internationales, afin de mieux caractériser leur potentiel d’abus/dépendance et leur dangerosité en vue de mesures adaptées [1-4].


Ils sont apparus en France au printemps 2023, impliqués dans des clusters d’intoxications graves (avec dépression respiratoire et décès) en Occitanie et sur l’île de la Réunion, rapportés au réseau français d’Addictovigilance (CEIP-A de Montpellier et de Bordeaux) en lien avec le dispositif d’analyse de produits SINTES [5,6]. L’Association française des centres d’Addictovigilance souhaite donc sensibiliser les professionnels potentiellement impliqués dans la prise en charge des usagers (urgentistes, réanimateurs, toxicologues analystes, addictologues, CSAPA et CAARUD…) ainsi que les associations d’usagers de substances psychoactives. Il est important de retenir les éléments suivants :

  • les nitazènes ne sont pas détectables par un dépistage urinaire classique (que ce soit par immunochimie ou criblage chromatographique de première intention). En outre, la présence d’héroïne – susceptible de positiver le dépistage immunochimique opiacé – n’exclut pas la présence d’un nitazène dans le produit consommé. Ainsi, toute discordance entre la clinique et le tableau analytique et/ou la réponse à l’administration de naloxone doit faire évoquer la présence d’un Nouvel Opioïde de Synthèse : par exemple toxidrome opioïde et négativité des analyses toxicologiques de première intention, ou toxidrome opioïde avec positivité du dépistage aux opiacés mais résistant à l’administration de doses usuelles de naloxone.
    Aussi, en cas de doute, il est fortement recommandé de conserver les échantillons de produit consommé et les prélèvements biologiques à disposition et de contacter le CEIP-Addictovigilance de son territoire afin de réévaluer la situation et le cas échéant d’envisager une analyse toxicologique par technique spectrométrique plus sensible et plus spécifique.
  • les effets des nitazènes sont reversés par la naloxone. Cependant dans certains cas, la dose de naloxone nécessaire est supérieure à celles utilisées en cas d’overdose par héroïne ou par morphine, et peut même nécessiter des administrations répétées.
    Dans ce contexte, rappelons que la dispensation large de la naloxone – y compris à destination des tiers proches des usagers – reste un outil de prévention essentiel [7].

1. RCCET. Alerte du RCCET: Nitazènes. https://www.ccsa.ca/fr/nitazenes-alerte-du-rccet
2. WHO. Critical Review Report: ISOTONITAZENE. https://www.who.int/docs/default-source/controlled-substances/43rd-ecdd/isonitazene-43rd-final-complete-a.pdf
3. EMCDDA. Risk assessment report on the new psychoactive substance N,N-diethyl-2-[[4-(1-methylethoxy)phenyl]methyl]-5-nitro-1H-benzimidazole-1- ethanamine (isotonitazene). https://www.emcdda.europa.eu/publications/risk-assessments/isotonitazene_en
4. Ujvári I et al, DARK Classics in Chemical Neuroscience: Etonitazene and Related Benzimidazoles. ACS Chem Neurosci. 2021;12(7):1072-109
5. BIP Occitanie. https://www.chu-montpellier.fr/fileadmin/medias/Services/Pharmacie/crpv/BIP-2023-N-2-final.pdf
6. ARS La Réunion. https://www.lareunion.ars.sante.fr/vigilance-circulation-dune-substance-non-identifiee-risque-mortel
7. https://addictovigilance.fr/wp-content/uploads/2021/12/Bulletin-Naloxone-2021.pdf